dimanche 14 décembre 2008

Mon premier mort



C'est pas tout à fait exact, j'ai déjà photographié des morts auparavant.
Urne funéraire
bébé/foetus
Vestige
Voilà les morts photographié que j'ai à mon actif.

Mais là c'est différent. C'est vraiment par hasard que je suis tombé sur la scène. Je me dirigeais à vélo vers mon spot pour ma métamorphose lorsque, malgré la musique, j'ai entendu les sirènes des ambulances provenant de l'autre coté du fleuve que j'étais entrain de longer, j'ai suivis leurs trajet distraitement du coin de l'œil, et j'ai vu qu'elles s'arrêtaient pas loin.

De mon côté, plus loin devant moi, il y avait des coureurs et des cyclistes qui s'était arrêtés pour observer ce qu'il se passait, et j'ai fait pareil. Je me suis arrêté et j'ai observé, et puis j'ai fini par comprendre. Le truc jaune dans l'eau, c'était un Kayak qui venait de se retourner, impossible de voir si le corps était encore dedans, ou si il était quelque part plus loin dans l'eau. Mais j'étais certain qu'il était encore dedans, sinon les secours seraient plus bas entrain de le repêcher.

J'ai du mal à expliquer en quoi c'est différent de ce que j'ai photographié auparavant. Si je devais mettre un mot sur mon impression, ce serait celui de "proximité". Que ce soit dans l'espace ou dans le temps. J'étais assez proche de la scène que pour la photographier, et assez loin que pour pouvoir prendre du recul afin d'analyser et de comprendre ce que je voyais.

Un type est mort, et j'ai immortalisé la scène. C'est si anodin et pourtant si fascinant. J'aurais pu laisser mon appareil dans mon sac, observer la scène, et puis continuer mon chemin. Je n'aurais sûrement pas raconté ce que j'ai vu, quel intérêt?

Aussi top dit, aussi top oublié. Mais là c'est différent, totalement différent, et ça l'est pour moi, uniquement pour moi

Pendant que je regardais ce qui se passait, et que j'ai réalisé ce qui venait de se passer, j'ai imaginé le type entrain de se retourner, je l'ai imaginer entrain de se débattre, de suffoquer, et puis pendant une fraction seconde, renoncer, pour enfin mourir. Ca m'a foutu le cafard, ça tournait en boucle dans ma tête, je voyais ça clairement, je l'ai imaginé dans tout les sens. Alors j'ai sorti mon appareil, et même quand j'ai mis mon oeil dans le cadre, c'est le type entrain de se débattre que je voyais. J'étais triste pour le gars, il a du se sentir tellement seul, se débattre comme ça contre le courant. C'est une mort vraiment con.

D'un côté, je crois que ce qui m'a rendu triste, c'est que ce que je voyais me renvoyait à moi même.

Je ne suis pas sur de savoir ce que j'ai pris en photo, au final, je crois pas avoir pris la photo d'un évènement, mais la photo d'une sensation, en rédigeant ceci, je regarde la photo, et ce n'est pas la photo que je vois, c'est des sensations.

C'est morbide de se dire que la première chose qui m'a traversé l'esprit c'est: " Ha! Un potentiel article".

Évidemment si il n'y avait que ça, je n'en aurais pas fait un article. Le fait est que maintenant je me pause certaine question, comme par exemple, qu'est ce que la photographie pour moi?

(suite plus tard...?)